2014/04/14

"Venez Péradez avec nous"

"La mère de toutes les célébrations de Pâques". C'est ce que nous a dit notre charmante logeuse de Jerez, au sujet de Séville.  "C'est elle qui a inspiré toutes les autres célébrations en Espagne. Vous allez aimer cela, continua-t-elle". Les cérémonies religieuses ne m'attirent pas tellement. J'hésitais. Mais je me suis  rabattu sur l'idée que c'est censé être une fête populaire importante aussi. Alors on s'est donné le go, le vrai! En plus, on avait raté, lors de notre premier séjour au Guatemala, celle d'Antigua, réputé être le sommet de toutes les célébrations  en Amérique Latine. Donc pas question de rater celle de Séville.

Là on y est. Ce qu'on a vu de la ville depuis notre arrivée il y a deux jours, est magnifique. On s'en reparle. Pour le moment, ce qui nous a le plus frappé ce sont les processions. La Semana Santa a commencé officiellement hier avec le Dimanche des Rameaux.


On a fini par mettre la main sur un horaire des processions. On découvre qu'il y en a neuf au cours de la journée. La première commence à 15h, et doit passer dans la rue de notre appartement, la rue Zaragoza. Youpi.

Un peu de contexte.


Les processions servent à faire défiler dans les rues des scènes representant divers moments de la ¨Passion du Christ¨ pour inspirer les fidèles. Chaque paroisse a des associations, des confréries qui prennent en charge ces processions. Elles ont des noms impressionnants. Celle qui se rassemblait près de chez nous se nomme "Humilde y Fervorosa Hermandad y Confraria de Nazarenos de Nuestro Padre Jesus Despojado de sus Vestiduras..." La suite est aussi longue. 


Il y a une fanfare au début et à la fin de chaque procession, des Nazarenos, ou des pénitents costumés avec des cagoules pointues qui, pour les Nord-Américains, font penser au KKK. Les deux types de costumes ont peut-être une origine commune, mais je n'ai pas fouillé la question.




Certaines confréries regroupent jusqu'à 4 000 Nazarenos. Ce sont des hommes, des femmes, des enfants, tous costumés de la même manière.


Chaque confrérie ayant ses propres couleurs. Ils sont tellement épeurants qu'ils offrent des bonbons aux enfants qui leur en demandent. Les parents encouragent leurs petits à surmonter leur peur en allant quêter un bonbon aux Nazarenos: va, affronte le Bonhomme Sept Heures.



Il y aussi et surtout d'immenses plateformes avec des sculptures représentant la vie du Christ.


Elles sont portées par une quarantaine de personnes, entassés sous de la plateforme, aveuglés par une toile. On les guide par des commandes vocales, hurlées à travers les paroies de la plateforme. Deux coup de claquoir, sur le bord de la plateforme et c'est le go! Assez impressionnant de voir cette masse faire un saut de quelques pieds dans les airs, quand résonne la commande du départ. Les porteurs, au repos sont assis ou à genoux. Tout ce beau monde et la charge qu'ils portent, se lèvent debout, d'un coup sec et se mettent en mouvement comme un seul homme.

Les applaudissements fusent quand une fanfare joue particulièrement bien, ou quand les porteurs réussissent une manoeuvre délicate au tournant d'une ruelle étroite, bondée de monde, ou encore, si le bond de départ est spectaculairement réussi.


Il y a aussi beaucoup d'encens.

Chaque procession part de l'église paroissiale, se promène dans le quartier, passe obligatoirement devant la cathédrale avant de revenir au point de départ. A divers points stratégiques on change l'équipe de porteurs. J'ai une petite vidéo qui montre bien le changement de la garde. (En espérant que je puisse la publier. La connexion Internet au logement est plutôt faiblarde.) Cetaines processions durent 12 heures. La plus courte hier durait cinq heures. Il faut donc plusieurs équipes pour se relayer. A la fin du périple vers 21h, nos Nazarenos, sur la route depuis 15h, avaient l'air pas mal poqués, particulièrement les enfants de sept ou huit ans.


Immaginez les problèmes logistiques quand neuf processions circulent en même temps. Et ce pendant sept jours! Et à chaque fois il faut aussi s'assurer que les familles, les fidèles et les touristes puissent circuler, pour voir leur confrérie préférée et vaquer à leurs occupations ordinaires. Et tout nettoyer au fur et à mesure. Hier, plusieurs petites familles, avec de tout petits enfants à bout de patience, étaient désespérées, coincées entre trois processions, incapables de rentrer à la maison.


Un joyeux carnaval, donc.


Très impressionnant de voir des milliers de personnes dans la rue, tout le monde sur "leur 36", comme on dit chez nous, à part les touristes comme nous, évidemment. Une fête magnifique ou les enfants, les familles, les ados, les petits vieux comme nous se promenent pendant des heures pour voir défiler les pénitants, pour rencontrer les amis et prendre un verre ensemble, ou déguster une couple de tapas entre deux processions, et ensuite se recueillir au passage de l'une d'elle, toucher la platforme du Christ ou de la Vierge, se signer et continuer à placoter avec les amis. Sans oublier l'autre procession, celle des passants. Bien assis sur les marches de la cathédrale ou à une terrasse les Espagnols prennent grand plaisir à regarder passer leurs compatriotes. Nous aussi. (Peut pas m'empêcher de penser au slogan publicitaire de Sté-Anne-de-La-Pérade: "Venez pérader avec nous.") Et on a ainsi découvert de très belles bottines, entre autres. Mais ça c'est une autre histoire.

É

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