2004/03/02

Visages du Myanmar

Les gens du Myanmar sont particulièrement sympathiques. Notre séjour a donc été très agréable, malgré les difficultés de communication et le niveau de vie assez bas de ce pays. Quelques impressions avant de vous en parler plus longuement, de vive voix peut-être, dans quelques mois.

Si l'Inde nous donnait l'impression de reculer d'une trentaine d'année, le Myanmar nous a fait penser aux annees 20 et 30, du moins l'idée qu'on se fait de ces années, à travers ce que nous en ont dit nos parents et ce que nous avons pu voir comme reconstitution dans les représentations des médias. Les moyens de communications sont très limités par rapport à ce qu'on connait chez nous. Je ne parle pas principalemet du téléphone et de l'Internet qui fonctionnent de façon épisodique. Les routes comme on connait sont pratiquement inexistantes. On a visité des villages ou le seul moyen de s'y rendre c'est à pied. Un autre n'est accessible que par une route de terre battue toute nouvelle. Elle date de l'an dernier et a été construite à bras, à flanc de montagne! Les Palaungs de ce village cultivent à flanc de montagne et leur récolte peut maintenant être menée au village par charette à boeuf, à 16 km de là, alors qu'il y a un an, ils devaient transporter leur denrées à dos d'homme dans des sentiers qui sont un vrai défi pour un randonneur de mon genre. Imaginez la course des portageurs comme parcours habituel, comme mode de vie. Les Palaungs cultivent aujourd'hui du riz de montagne, du thé et des légumes (choux, chou-fleurs, tomates, ail, oignons). Mais il y a deux ou trois ans, ils cultivaient surtout l'opium, dont la culture est aujourd'hui interdite.

Les déplacements dans le pays sont donc toujours assez difficiles. Une seule bonne (?) route: Yangon à Mandalay (200 Km environ) prend environ 16 heures par bus. Le voyage entre Inle Lake et Yangon, notre trajet de retour, sur une route à une seule travée, nous a pris 19 h, pour une distance équivalente!

L'électrification n'est même pas encore terminée. Non seulement les pannes sont fréquentes à Yangon, la capitale et à Mandalay, la deuxième ville en importance, mais des régions entières n'ont pas d'électricité. Cela fait en sorte que les ciels étoilés sont magnifiques pour les touristes, mais la vie quotidienne se passe dans l'obscurité pour la grande majorité des campagnards, après 18h30.

On a rencontré un couple de Myanmariens (je ne sais pas si on peut parler vraiment ainsi) qui ont quitté après la révolution de 1962 qui a porté l'armée au pouvoir, exilé volontairement en Australie depuis, nous ont dit que dans les années 60 les communications étaient plus faciles. Je ne sais pas s'ils ont raison. Mais il y a certainement un retard important à rattraper.

Au moment ou on y était c'était la fin de l'hiver: autour de 15 c la nuit, en ville et 5 c en montagne, alors que le jour le mercure oscillait entre 25 et 35 c. Tout le monde avait leur tuque et leur manteau d'hiver, sauf nous et les quelques autres Canadiens rencontrés. Pour nous c'était la canicule. Autre cause de déroute pour nous, les couleurs. Du brun, des ocres, des jaunes partout. Mais aussi du vert. Les arbres ne perdent pas tous leurs feuilles en hiver. Même les feuillus. Pour ajouter à la confusion beaucoup d'arbres immenses étaient couverts de fleurs magnifiques, sans aucune feuille. Assez spectaculaires ces squelettes fleuris en jaune vif, mauve ou en oranger flamboyant. Partout la terre est rouge comme à l'Ile-du-Prince-Edouard. Et comme les routes sont à peu près toutes en terre battue, la sècheresse de l'hiver fait en sorte que ce battage la transforme en une belle farine rouge qui se disperse au moindre petit dérangement. Alors les autobus, les vélos, même les pas provoquent des nuées rouges-roses. Combinée avec la créosote des feux pour préparer la cuisine (tout le monde utilise le charbon -- pas vu une seule bonbonne de gaz), les feux de feuilles pour débarasser les terrains, le monoxyde de carbone des génératrices qui pétaradent pour pallier aux déficiences du système de distribution de l'électricité, on obtient un mélange tout à fait irrespirable. On pensait qu'en campagne, qu'à la montagne, ce serait mieux. Mais non. Partout on utilise la bonne vieille méthode du feu pour se débarasser des herbes sèches et préparer le sol à recevoir la pluie et les semences. Vu du sommet ou on dormait, lors d'un petit trek de 2 jours, on avait l'impression que toute la campagne brûlait. Tout le monde tousse et crache à s'en arracher les poumons.

Malgré ces difficultés de circuler, de respirer, on a vu des choses et des gens extraordinaires. Quelques personnes qu'on a rencontrées, à part les voyageurs et les touristes de notre genre: le guide Kho Mo de Mandalay, Mr Charles, propriétaire d'un ''Guest House'' de Hsipaw, célèbre dans le Lonly Planet et Mr Chain, guide de trek à Kalaw.

Kho Mo est le chauffeur qui nous a conduit dans 3 des anciennes villes impériales autour de Mandalay. Souriant, dans la trentaine, jeune marié sans enfant (il nous dit que cela coute très cher d'avoir des enfants), il nous a fait faire le ''sight seeing'' de façon très agréable. Il nous a expliqué que si les Occidentaux se faisaient bronzer, au Myanmar on fuyait le soleil: une peau plus pâle est jugée plus belle. Ce serait une des raisons qui explique le curieux maquillage que portent les femmes et les enfants. (Voir les photos.) Il avait déjà fait quelques séjours au monastère, comme cela est obligatoire pour tous les boudhistes du Myanmar. Mais il a décidé que la vie monastique ne lui convenait pas, ayant de la difficulté à ne prendre que 2 repas par jour: une soupe le matin et le dîner vers 11h.

Mr Charles, propriétaire du Guest House le plus fréquenté à Hsipaw (prononcez ''Sipas'', ou encore mieux, à l'ancienne, ''Thibault'') et marcheur quotidien. Un marcheur comme je les aime: lent, régulier, silencieux, sauf aux moments importants ou il peut nous entretenir sur l'histoire moderne du Myanmar, sur l'agriculture locale, sur les problèmes politiques. C'est une des rares personnes avec qui on a pu discuter du travail forcé, de la situation difficile du pays, sur la nécessité d'une plus grande ouverture. C'est une des personnes que Lonely Planet a consulté pour préparer le chapitre de son dernier guide du Myanmar qui porte sur le débat ''doit-on oui ou non visiter le Myanmar?'' Bien sur qu'il défendait le point de vue qu'il faut le visiter, entre autre pour les raisons que cela peut aider à lutter contre le travail forcé. (voir l'entrée de Hélène Merveilleux Myanmar") Il nous a introduit dans quelques villages Shan. On a pu, grâce à lui, discuter avec des villageois, qu'on n'aurait pas pu rencontrer autrement. Par lui on a aussi rencontré une retraitée australienne qui fait du travail bénévole pour enseigner l'anglais aux enfants de Hsipaw. Une femme qui a du bagout et qui nous a donné le goût de l'imiter.

M. Chain est peut-être celui que nous avons le plus connu, ayant passé 2 jours a marcher avec lui. Il nous a organisé une marche qui nous a fait voir la jungle du Myanmar, entendre ses oiseaux, même s'il n'y avait pas de perroquet. Il nous a fait marcher aussi sur des sentiers ombragés, au moment le plus chaud de la journée. Lui aussi nous a introduit chez de ses amis villagois des montagnes autour de Kalaw. Il nous a parlé du travail communautaire, ce que mon père aurait appeler ''faire un bi''. Quand quelqu'un a besoin de beaucoup de maind'oeuvre il invite les autres de la communauté à l'aider à un moment précis. Il leur donne 2 kg de viande. Si l'invité accepte la viande, il se présentera à pour la corvée. Mr Chain appelait cela ''A meat promise'', ''You can't break a meat promise!'' Tandis que si c'était pour de l'argent, la promesse ne tiendrait pas nécessairement. Le jour de la corvée, tout le monde se rend au travail et la tâche est faite le plus rapidement possible. Le propriétaire a dû par contre acheter un autre boeuf, le faire cuire avec des légumes, dans une marmite assez grande pour satisfaire tous les appétits. Chacun apporte son riz. Le midi tout le monde mange aux frais de celui qui a organisé la corvée. Il nous a expliqué aussi que la nouvelle route avait été construite par du travail bénévole, un peu comme pour les corvées de village. Le gouvernement a donné une somme d'argent au chef de village pour acheter des boeufs, les abattre et en donner à tous ceux qui participeraient à la construction de la route. Il semble qu'elle a été construite en un temps record. C'est d'ailleurs de cette manière qu'a procédé Lonely Planet pour faire construire un pont à Inle Lake. Il ont fourni l'argent et les villageois ont fourni du ''voluntary labour''. A prendre en considération quand on parle de travail forcé au Myanmar.

Excusez-moi d'avoir été un peu long, mais ça faisait longtemps qu'on ne s'était parlé et il est fort probable que nos trois prochaines semaines au Laos vont être aussi silencieuses que celle du Myanmar. Pas à cause de la censure, mais à cause du sous-développement. Le Laos est le pays le plus pauvre du Sud-est asiatique.

Nos meilleures photos des visages du Myanmar et de quelques paysages sont accessibles sur le site Yahoo en cliquant ici ou sur le lien dans la colonne de droite.

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